Paul ARENE

Chant des cigales :

Paul ARENE ( 1843 - 1896 )

Paul Arène est né à Sisteron, le 26 juin 1843 dans une rue passante où son père était horloger et sa mère modiste.
Les Arène possédaient encore des terres qu'ils faisaient valoir.
C'est assez pour recevoir en don la passion du terroir et celle du travail bien fait.
Tout Arène est là, il sera un ciseleur du verbe, et le meilleur de son œuvre c'est la terre sisteronaise qui va l'inspirer,
avec sa lumière, ses senteurs, le soleil brûlant, et tout ce qui vit, bruisse, chante, dans les lavandes et le thym.
Après de bonnes études au collège des Frères de Sisteron, bachelier, Arène prépare, à Marseille, une licence de philosophie.
Nommé en 1863 à Vanves, si près de Paris, il y apporte l'ambition d'une carrière littéraire...
et après le succès d'un acte joué à l'Odéon , " Pierrot héritier ", Arène en oublie Vanves et l'enseignement.
Il vivra de sa plume.
Il se lie avec Coppée, Bataille, Mendés, avec Daudet surtout.
Mais il a besoin de soleil... et , de Sisteron... il y revient souvent.
Il se lie aussi avec Aubanel, le groupe de Fonségugne, Mistral surtout, qui sera toujours plus qu'un ami, un confident.
Arène passe l'été 1868 à Sisteron.
Un bel été, puisqu'à la Cigalière, le dos appuyé au vivier, à l'ombre du laurier, il écrit " Jean des Figues " , en deux mois...
C'est un chef-d'œuvre, " son chef-d'œuvre " , dans lequel il s'est raconté.
Paris de nouveau.
En 1870, il est capitaine de ces mobiles qui s'illustrent partout dans la France envahie.
En 1871, Mistral demande pour lui aux Roumieu de Beaucaire, la main de Naïs, cette Naïs qu'il avait aperçue quelques années plus tôt et n'avait pas oubliée.
Naïs lui est refusée. Le cœur d'Arène saigne. Il n'oubliera jamais Naïs Roumieu.
La vie reprend, morose, triste, Arène porte sa blessure.
En 1872, il perd sa mère. Il demande au travail, sinon l'oubli, du moins un apaisement.
Il écrit de nouveau pour le théâtre " Le Char ", " L'Ilote ", " Les Deux Augures ", mais il vit surtout des contes et nouvelles qu'il donne aux journaux ou réunit parfois en recueils.
Jamais cependant ses contes parisiens :

  Paul ARENE

 

" Friquettes et Friquets ", " Paris Ingénu ", " Les Ogresses " n'ont l'éclat, la beauté, la chaleur de ceux que Sisteron inspire : " Contes et Nouvelles de Provence ", " La Gueuse Parfumée ", " La Veine d'argile ".

Du reste, Arène passe désormais l'été à Sisteron, l'hiver à Paris
et lorsque sa santé s'altérera, miné par la " Fée Vert ", il séjournera à Antibes dès l'automne, Antibes qui lui dicte " La Chèvre d'Or " (1889).
1888, Arène a perdu son père. Isabelle, sa sœur, l'attend seule dans la maison de la rue Droite où elle s'est fixée.
En 1894, Arène est souffrant, mais dans " un sursaut de talent ", il écrit " Domnine ".
C'est une œuvre forte, concise, et une peinture de Sisteron et de sa société vers 1870.
En août 1896, le poète quitte Paris, passe à Sisteron quelques jours, et à l'automne avec sa sœur, gagne Antibes où il s'installe à l'hôtel d'Alsace, sur les remparts.
La ville d'Antibes a donné le nom de Paul Arène à cette rue, ainsi qu'à l'école du quartier.
Il travaille, parcourt la ville quand le soleil est là. Mais le soleil se refuse souvent.
Bientôt Arène ne quitte plus sa chambre et, au soir du 17 décembre, on l'y trouve mort à sa table de travail, le front écroulé sur un conte inachevé.
Le poète repose à Sisteron, en haut du cimetière.
Au printemps, un amandier étend son manteau de fleurs sur la pierre où l'on a gravé le distique qu'il avait dicté à Mistral :

" jeu m'en vau l'amo ravido d'agué pantaïa ma vido "

" je m'en vais l'âme ravie, d'avoir rêvé ma vie ".

En 1984, la ville de Sisteron a restauré le bastidon de la Cigalière où Arène a écrit " Jean des Figues " et la plupart de ses contes provençaux.
C'est là que vous irez les lire, là où ils sont nés, là où le thym, le romarin et les lavandes sauvages ont embaumé de leurs senteurs les pages les plus belles du poète

         

 

Sur un Eventail

(pour Jeanne Charcot).


Si les ondines et les fées
Maintenant ainsi qu'autrefois
Sur une coquille de noix
Naviguaient, de corail coiffées,

Et si j'étais, - car nous aimons
Suivre parfois d'étranges rêves, -
Un des minuscules démons
Rois de la mer bleue et des grèves,

Je ne voudrais d'autre travail
Que d'agiter cet éventail
Pour faire une brise légère

Qui pousserait tout doucement
Le bateau vers un port charmant
Et vous seriez la passagère.